Mont-de-Marsan et Saint-Sever 40
"Rousse"… Une jeune renarde à l'esprit aventureux, décide de quitter sa forêt natale pour explorer un monde futur, plus lumineux. C’est le commencement d’une odyssée avec ses obstacles et ses rencontres étonnantes amenant à faire grandir chacun des personnages, tous des animaux. Et si dans ce monde où l’humain a disparu, il s’agissait de remettre du sens dans notre quotidien aujourd’hui. La librairie Caractères nous invite à entrer dans cet univers poétique…
Coup de cœur pour « Rousse » de Denis Infante -2024-
Une proposition d’Antony Clément libraire à Mont-de-Marsan et Saint-Sever : « C’est le coup de cœur de l’éditeur que je suis aussi. Je suis attaché à Tristram, la maison d’édition située à Auch, qui fait du bon boulot, qui publie peu mais bien. Rousse m’a accroché dès le début avec l’exergue de Giono « Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l'on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l'univers » C’était parti… Je suis un habitué des littératures autochtones issues des peuples nordiques comme Joséphine Bacon et aussi, sensible aux sujets tels que l’anthropomorphisme… Et enfin, la langue de l’auteur m’a happé dès le départ avec son regard au ras du réel.»
On est davantage dans la fable, voire dans l’odyssée…
« Si on peut penser tout d’abord à une littérature romanesque … on est davantage dans la fable, voire dans l’odyssée, l’épopée car comme Ulysse, Rousse va passer des frontières, franchir des obstacles, rencontrer des personnages et apprendre d’eux.»
Il y a le monde actuel et le monde du futur proche dans lequel elle a envie de se lancer
« L’humain a disparu, la terre est asséchée, voire désertique, les vivants souffrent de la soif… Rousse, une renarde décide de quitter le Bois de Chet où elle a grandi et de s’échapper de son coin, pour découvrir plus loin, voir si les feuilles sont d’un vert différent ailleurs… Elle entrevoit comme un futur plus lumineux… Il y a le monde actuel et le monde du futur proche dans lequel elle a envie de se lancer et d’aller à la rencontre des – beaux habitants de l’univers-… Il y a bien sûr une métaphore de l’humain, mais aussi des éléments, le vent, la pluie, les végétaux… Nous, dans notre société, nous avons tendance à rechercher ce qui nous rassure, à juger ce que l’on connaît mal. On le voit dans le traitement de l’altérité. Ici, ce n’est pas le cas.»
Le regard d’un renard, une langue singulière, des reliques d’humanité
« La première impression peut-être déroutante… elle passe par l’acceptation du regard d’un renard sur la vie. Et puis la langue, peut elle aussi dérouter. Elle est très singulière comme je le disais, dépouillée des articles définis et indéfinis, mais cela ne dure qu’une page, après on est pris par le récit, dès que Rousse prend la route, il y a des moments de tension lorsqu’elle rencontrera les loups … J’ai noté dans mon carnet « alors que vieux hêtre était encore jeune arbre, peuple des Faces Plate“, malgré son immense puissance, malgré solides tanières“… - L’auteur n’utilise pas d’article défini et indéfini… pour ne pas individualiser le propos et être au plus proche d‘une transmission collective. La description peut être aussi touchante, distanciée de l’humanité, l’auteur casse la frontière. On se retrouve aussi avec des vestiges, des reliques de l’humanité… dans un passage on se rend compte qu’ils sont dans un reste de carlingue… »
Transmission, une quête au-delà du savoir…
« Rousse est portée par cette envie irrépressible de la découverte, de la rencontre, elle va ainsi apprendre : la sagesse du corbeau Noirciel, le courage du sanglier Duredent, la sororité de Brune, une ourse… Tous, dans leur transmission vont aider à la formation de Rousse, mais aussi améliorer son regard sur ce qui se passe … Bien sûr, il y a aussi des êtres qui feront défaut et serviront le propos de l’obstacle… Les personnages rencontrés vont aussi grandir avec Rousse car si Noirciel, le maître sage a s tout vu, c’est un vieux corbeau qui sait beaucoup… Elle va aller plus loin que ce que le maître sage avait mis comme frontière. C’est plus qu’une quête sur le savoir, c’est une quête sur le savoir apprendre. J’y vois encore là un contre écho à notre époque, nos cerveaux sont aujourd’hui fainéants, n’allant pas contre leur déterminisme sociétal pour grandir, ni se mettre dans une disposition où l’on en apprend de l’autre, des obstacles, de l’altérité…»
Ce texte peut parler à tout le monde
«Ce texte dépouillé, poétique, peut parler à tout le monde en termes de fable. On est sur des référents universels. Je ne le conseillerai pas à certains lecteurs qui sont bloqués dans des genres comme le polar noir ou le thriller … Quant aux plus initiés, ils vont voir une filiation avec la grande littérature tel que “Sur la route de Cormac McCarthy“ par sa désespérance, cette humanité qui disparaît. On pense aussi à la littérature autochtone avec Hélène Dorion, québécoise, qui a été au programme des lycées cette année.»
L’auteur convoque les temps d’après pour remettre du sens aujourd’hui
« Son idée avec cette fable ? Je pense à l’exergue cité de Jean Giono qui invite à s’échapper des livres sur des êtres mesquins pour aller vers les beaux habitants de l’univers, ceux que l’on éteint par notre consommation effrénée, sans nom… L’auteur nous dit – Arrête-toi lecteur — inverse tes mauvaises habitudes pour les remettre dans ton quotidien. Il convoque les temps d’après pour redonner du sens à aujourd’hui, sur l’existence, qui est d’ailleurs le titre du dernier chapitre. La fin est positive. En terminant sur… mais, je ne peux pas le dire, il y a une projection vers l’avant, la transmission des choses importantes, et non pas la transmission des choses consuméristes. Il y a un espoir, de la tempérance, de la tolérance … On a l’impression que l’humanité va revenir avec l’animalité, la nature.»
On plante le décor de la librairie Caractères
A Mont-de-Marsan, Antony Clément a repris en 2010 la librairie Caractères où il venait enfant. Six ans après, il change de local et passe d’une surface de 110 m2 à 265 m2. En 2019, il donne vie au concept de librairie café social club. En 2021, il crée la librairie La Louve à Saint-Sever, distante de 20 kilomètres. « Avec Caractères et La Louve, on souhaite réinterroger le métier de libraire. On ne rentre pas chez nous pour chercher un livre, mais d’abord pour échanger, cela peut passer par la prise d’un café, une rencontre littéraire, un concert, un atelier, une expo, un débat… L’idée est de proposer une expérience culturelle. »
Aux côtés d’Antony Clément, trois salariés, mais aussi une association, permettent de faire ces belles propositions. « L’association Librairie Social club, très active, est composée d’une cinquantaine de lecteurs et de lectrices assurant la mise en place des événements choisis et favorise aussi les propositions. L’association étend aussi son action hors les murs en étant partenaire d’événements. Nous veillons dans nos événements littéraires à ce que chacun s’y retrouve, les auteurs comme le public.»
Être libraire aujourd’hui, qu’est-ce que cela veut dire ? Quelle mission on se donne ?
« La librairie joue un rôle d’acteur culturel multidisciplinaire, ouvert sur un territoire local et au-delà. D’autres librairies espagnoles et anglo-saxonnes rejoignent notre concept. On pourrait dire que l’on a une fonction de centre socioculturel avec des amplitudes d’ouverture plus importantes au quotidien et en semaine. Les librairies sont des derniers lieux d’échanges, de rencontres, de biblio-diversité. On est de plus en plus sollicité pour accueillir des débats. »
Actualité
> Les 27 et 28 septembre : Pal’arbre, le festival du mot et de l’arbre organisé par la librairie. Un programme de choix pour une édition marquant le sixième anniversaire de ce festival à découvrir prrochainement.
Librairie Caractères : https://librairiecaracteres.wixsite.com/caracteres-librairie