Plaisance-du-Touch | 31

C’est l’histoire d’un « grand projet inutile, d’un méga centre commercial  » comme le nommaient ses opposants, mais aussi de dix-sept années de lutte, de bataille juridique, de ténacité et d’arguments soutenus par des citoyens non rompus à ce type d’exercice. Comment la panoplie de combat d’un collectif s’est-elle mise en place ?

« Le terrain est nu, sans activité à ce jour. La mairie  de Plaisance-du-Touch  considère en 2020 que c’est la fin du projet concernant le centre commercial. Le promoteur, une société foncière du CAC 40,  malgré la décision du conseil d’Etat, lui, continue ces recours concernant les permis de construction. Est-ce une façon de faire face à l’engagement auprès de ses clients de l’époque ? On ne sait pas. Au regard du contexte, cela deviendrait impossible un tel projet, mais cela oblige l’association à la vigilance et la  grande fête  qui marquerait la victoire manque. Ce sera pour plus tard… » raconte  Jutta Dumas, présidente de l’association  Présence des Terrasses de la Garonne de 2009 à 2015 qui fera suite au collectif.

Retour sur le projet
Situé à l’ouest de Toulouse, sur le plateau de la Ménude dans la commune de Plaisance-du-Touch, le projet « Porte de Gascogne » qui deviendra plus tard « Val Tolosa » promettait dans sa publicité en 2005  de  « réconcilier nature, loisirs et commerces » ;  il s’agissait  sur un espace de près de 40  hectares de créer un véritable lieu de vie complémentaire. La zone de chalandise irait du grand Ouest de Toulouse à l’Est,  le Gers serait lui aussi couvert en partie. La prévision des emplois annonçait un chiffre autour de 2000…

Au commencement, l’alerte d’un citoyen…
« Tout de suite ce projet a entraîné de vives réactions dès qu’il a été connu par un article paru dans la presse. Progresso Marin, un homme à l’âme de résistant,  résidait à Fenouillet, une commune voisine. Il a tout de suite  alerté les communes alentour en tant que citoyen trouvant ce projet imposé et sans justification au regard  de la présence d’un grand nombre de centres commerciaux. C’est convaincu de la justesse du propos et par la nécessité de passer à l’action concrète  que je suis rentrée dans le collectif en 2007 » raconte Jutta Dumas.

Ni bons, ni méchants…
Comme dans chaque lutte, on ne retrouve ici ni bons, ni méchants, mais on retrouve ceux favorables aux projets dont les promoteurs et le maire de la commune et en face des opposants parmi lesquels on compte également des élus des communes voisines et bien sûr des citoyens mobilisés. Si la victoire s’appuie sur une bataille juridique*, celle des citoyens sur le terrain  est de tous les instants.

Un seul objectif
 «  Toute l’énergie de ce qui fut d’abord un collectif puis deviendra une association est tournée vers ce seul objectif,  l’abandon du projet. Il va y avoir un énorme travail de dossier avec la nécessité tout d’abord  de  comprendre,  qui fait quoi ? Pourquoi ? Le groupe constitué n’est pas rôdé à ce genre de lutte. En fait, ce travail fait par des citoyens c’était ce que nos élus auraient dû faire, au nom de l’intérêt général…  »

Des acteurs multiples…mais sans fanion politique
Les motivations à s’impliquer contre ce « méga centre commercial » sont multiples : ceux qui sont contre les multinationales, d’autres écolo, d’autres à gauche, d’autres au centre… des militants et beaucoup d’autres qui ne le sont pas. «  Le noyau dur comprenait une vingtaine de personnes. Nos décisions étaient toujours précédées par la question : est ce bon pour l’intérêt général et donc nécessaire à l’opposition de ce projet ? C’est comme cela que nous sommes restés maîtres de nos actions, sans admettre de fanion politique,  alors que l’on a traversé des élections  sur autant d’années…».

Quels sont les leviers sur lesquels l’association a mené son combat ?
« Je parlerais plutôt d’arguments. Le premier des arguments du projet que l’on l’appelait le méga centre commercial,  était sa dimension, dans une région déjà bien pourvue en centres commerciaux,  avec des  habitants  à moins  15 mn en voiture de l’un d’eux. Le deuxième, la répercussion sur la circulation  inquiétait les riverains et au-delà,  l’Ouest toulousain étant déjà saturé.  Le troisième, portait sur l’évolution de la société qui demande des communes animées, avec des commerces de proximité et le projet annonçait la fermeture de ces lieux dans de nombreuses communes alentour. La préoccupation  écologique a été mise en avant également concernant la bétonisation de la périphérie et ses conséquences en matière de risques d’inondations notamment ».

Toute la panoplie du combat d’un collectif…
S’informer, mobiliser… la lutte  connaît différents temps forts comme l’explique notre interlocutrice : « Alors que notre avocate bataillait*,  que nous bénéficions aussi d’expertises pointues d’associations comme France Nature Environnement ou Nature en Occitanie… nous étions sur le terrain. Nous avons déployé au fil du temps et des décisions de justice,  toute la panoplie du combat d’un collectif, manifestations,  marches  du site à la préfecture en passant par les centres villes impactés par le projet, occupation de site pendant une semaine en septembre 2015 pour bloquer l’accès au  chantier du promoteur,  reçu une formation à la non violence  pour   aller sur le terrain  en sécurité…  On était décidé et à chaque étape on se donnait  les moyens de notre objectif ».

La lutte est-elle une action positive ?
« Oui, elle nous apprend que le citoyen a un pouvoir malgré ce l’on peut penser. Si la cause est considérée comme juste il faut la faire valoir. Elle peut s’avérer nécessaire quand les institutions semblent dépassées, notamment sur les enjeux environnementaux. Sur le plan humain, on fait connaissance d’autres opinions, d’autres valeurs sociales autour d’un objectif en commun en reconnaissant les positions des autres. Et puis, il y a des heureux événements, on a un bébé Val Tolosa dont les parents se sont connus pendant la lutte…»  conclut Jutta Dumas avec le sourire.

Aujourd’hui, l’association  reste toujours  vigilante. Elle  compte deux cents adhérents et  fonctionne  avec trois co-présidents.


* La bataille juridique : en quelques dates, pour mieux comprendre
Dans les premiers temps, les feux sont au vert pour les porteurs du projet.  Lors de la première enquête publique, le  permis de construire  est accordé, mais en novembre 2007, il sera annulé. Puis malgré une pétition de plus de 15000 signatures, la 2ème enquête publique est favorable au projet.  En 2013, un arrêté préfectoral autorise la destruction d'espèces protégées, préalable pour démarrer les travaux.  En  juillet 2019, une décision du conseil d'État confirmera  l'annulation  de l’arrêté (décision de la cour du Tribunal Administratif d’Appel de Bordeaux  en 2017) : « le projet ne répondait pas à une raison impérative d'intérêt public majeur suffisante pour justifier les atteintes à la protection des espèces". Deux permis de construire ont été annulés. Un recours est toujours en cours…
Les associations France Nature Environnement et Nature en Occitanie ont également contesté le projet en justice.



Les trois coups ! Selon Jutta Dumas

> Coup de chapeau : «  À notre  jeune avocate qui nous a accompagnés, conciliante quant à nos moyens de règlement… une  vraie militante qui a mené ce combat avec nous, qui a su trouver les failles du projet ».


> Coup de main : « Au collectif  Stop TERRA 2 dans le Tarn que nous continuons à soutenir,  car les nouvelles dispositions de la loi climat et résilience ont certes bien intégré une de nos revendications concernant une limitation de centres commerciaux en périphérie, mais ils n'ont pas intégré les dépôts logistiques style Amazon, Alibaba… Une erreur selon nous et de nombreux collectifs en France, dont celui dans le Tarn se mobilisent.  Ils ont déjà remporté une 1ère  victoire, reste à faire enterrer le projet définitivement"



> Coup de projecteur : « il existe une fédération de  collectifs mobilisés contre l’implantation des centres commerciaux, qui interpelle les élus afin d’obtenir une réforme globale de l’urbanisme commercial en France comportant des mesures de régulation efficaces. Elle souhaite attirer l'attention sur l'urgence à protéger les sols de l’ artificialisation galopante qui les menace avec la création ou l’extension de nouvelles zones commerciales »  - En savoir plus : http://desterrespasdhypers.fr


En savoir plus   : https://www.facebook.com/StopTERRA2

L’association Présence des Terrasses de la Garonne           - http://www.gardaremlamenude.com

                                                                                     https://www.facebook.com/NONaValTolosa

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REDACTION

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