Bordères-sur-l’Echez | 65
Cinq ans de « combat » mené par une association contre un projet de traitement des déchets. Le récit d’une mobilisation locale qui met en avant détermination, force des liens tissés au niveau national, compétences et stratégie des acteurs sur le terrain, sans oublier les moments de fête. Aujourd’hui l’expérience acquise se met au service d’autres combats.
En novembre 2012, un avis dans la presse fait mention d’une enquête publique en vue de la création d’une usine de traitement des déchets sur la commune de Bordères-sur- l’Echez. « Le projet est alors inconnu par les habitants et entraîne en suivant une demande d’information auprès du maire et du Syndicat Mixte du Traitement des Déchets 65- maître d’ouvrage- et dont les opérateurs seraient Vinci et Véolia. Nous pressentons un danger, qui va entraîner un combat de 5 ans » raconte Élizabeth Forêt, bénévole à l’époque et Présidente de l’ADRISE depuis 2018.
Le statut associatif…
Hasard ou pas, quelques années auparavant l’ADRISE -Association de défense des riverains des stations d’épuration- était née pour agir face à un problème d’usine de traitement des eaux avec pour Président Patrick Millot. « Bâtie sur un coin de table à l’époque, l’association avait eu gain de cause et repartait 9 ans plus tard, avec le même bureau, contre ce projet de méthanisation. Ce statut s’avérera nécessaire pour ester en justice, mais aussi pour financer les frais de justice à partir des protections juridiques des adhérents » précise Élizabeth Forêt.
« Nous avons proposé des solutions alternatives »
Les premiers réflexes de l’association vont être de s’informer auprès de ceux qui ont déjà mené des combats similaires comme l’explique la Présidente : « Le tri mécano biologique proposé dans ce projet était une solution déjà dépassée et critiquée dans d’autres lieux. De plus, il n’était pas assorti d’un tri à la source. Plastique, médicaments… rien n’était trié et l’usine concernait uniquement 40% des déchets produits alentour et pour faire tourner l’usine, il fallait ramener des déchets de tout le département. Nous avons proposé des solutions alternatives, de la méthanisation avec tri mais des unités plus petites, plus proches des points de déchets…Ce projet tel quel ne pouvait se faire ni ici, ni ailleurs».
Adhésions en hausse, mobilisation d’associations
Entre la prise de connaissance des projets combattus et arrêtés, les expériences en cours peu engageantes comme à Angers ou Montpellier, au fonctionnement de même type, et puis localement, une réunion publique peu rassurante menée par les défenseurs du projet, les adhésions se multiplient. Elles montent à plus de 300, d’autres associations rejoignent également la mobilisation. « En 2014, nous nous préparons à l’enquête publique aidée par une association aux conseils judicieux, tels que relever les incohérences, construire un argumentaire, une alternative…le tout sera consigné dans 29 registres ».
Le choix d’aller en justice
Mais le 3 octobre 2014, les arrêtés de permis de construire et d’autorisation d’exploiter sont signés par la Préfète. L’association décide alors d’aller en justice et se rapproche d’un avocat libournais bien connu des milieux écologistes. Pendant ce temps, les actions sur le terrain se poursuivent toujours. « Tout comme le bureau se réunit régulièrement, les manifestations sont proposées tous les 15 jours en moyenne pour montrer notre détermination. On fait quelques actions dites de bonne guerre telles que déverser des déchets … Quand on a des ogres en face tel que VINCI ou la SMTD 65, il faut y aller ».
Rapprochement d’une ZAD
Tout cela n’arrête pas les pelleteuses, leur arrivée est proche. Les messages de soutien affluent de la part des adhérents, du tissu associatif le plus éloigné, les réseaux sociaux fonctionnent pleinement. L’idée alors de se rapprocher d’une ZAD prend forme au sein même de la population. « Dans une de nos manifestations, une zadiste était venue nous soutenir. Des réunions sont organisées afin d’informer la population locale et les riverains les plus proches. Lors de la dernière réunion, un vote est organisé à propos de la « venue » d’une ZAD. Il n’y a ni abstention ni refus ».
«… Les moments festifs sont nombreux… »
Quelques jours après, un petit groupe de zadistes débarque sur le site à occuper. Une conférence de presse annonce la création de la ZAD en septembre 2015. «L’association monte un chapiteau pour accueillir les zadistes, très vite les cabanes prennent place à partir de palettes. L’eau et l’électricité sont acheminées avec l’aide des habitants… L’accueil est superbe. Les moments festifs sont nombreux. On fête les anniversaires, Noël, la Chandeleur, la Saint Patrick …La lutte doit être joyeuse, cela aide à avancer »
« Les gagnants sont ceux qui n’abandonnent jamais »
Les zadistes seront jusqu’à une trentaine de personnes occupant l’espace à défendre pendant près de deux ans. Des élus locaux, nationaux, de différents partis viendront soutenir le mouvement et les manifestations se poursuivront, les jugements, les appels se succèdent jusqu’au jugement définitif du 14 novembre 2017 de la Cour Administrative d'Appel de Bordeaux annulant définitivement l’autorisation d’exploiter.
Placardé sur les banderoles lors des manifestations, exprimé lors des discours, le leitmotiv : « Les gagnants sont ceux qui n’abandonnent jamais » prend alors toute sa dimension dans l’histoire de l’association.
Cinq ans après l’ADRISE poursuit ses engagements
Cinq ans après, l’ADRISE est toujours active et en tout début d’année, sous la houlette de sa présidente, a souhaité élargir l’objet de l’association à la préservation de la nature et du cadre de vie. « Nous poursuivons notre engagement avec la volonté de faire profiter d’autres luttes de notre expérience, donner de la visibilité à des combats et agir pour la convergence des luttes » conclut la Présidente.
Les trois coups ! Selon Elizabeth Forêt
> Coup de chapeau : « À Patrick Millot, le fondateur et président de l’association à l’époque qui a fait preuve de stratégie, de compétences, d’explications permettant à l’association de gagner ».
> Coup de main : « Nous avons modifié les statuts de l’association pour agir dans le département avec l’objectif de préserver la nature et la biodiversité et aider les luttes en cours ».
> Coup de projecteur : « Tous les jours des luttes se mettent en place… ou continuent comme à Lannemezan avec le projet d’une méga-scierie. Et il y a aussi des victoires à citer comme Noporcharan à Ossun ».
L'ADRISE : https://www.facebook.com/asso.adrise/
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