Tarnos | 40

Sur une ferme agrobiologique, des femmes* placées sous le régime judiciaire en aménagement de peine apprennent l’autonomie pour construire un futur. Ce lieu transitoire entre la détention et la liberté est unique en France et en Europe. Son fondateur et directeur est un ancien détenu. A son tour, il transmet ce qu’il a reçu et qui tient en quelques mots «la société a besoin de toi». 

Créé pour des  femmes* placées sous le régime judiciaire en aménagement de peine, le projet  de la ferme Emmaüs Baudonne a  mis près de 3 ans pour voir le jour à Tarnos (à quelques kilomètres de Bayonne) sous la direction de Gabi Mouesca qui en est  aussi le fondateur après avoir été Président de l’observatoire international des prisons : « Ancien détenu politique, je suis intéressé par la question carcérale depuis des décennies. J’ai été   touché par les propos de Christine Taubira, alors ministre  de la justice, lorsqu’elle disait   que les femmes ne disposaient pas de lieu pour favoriser leur insertion. Natif du Pays Basque,  je travaillais à l’époque dans le secteur de l’insertion, quand j’ai su que la propriété de Baudonne était à vendre,  avec un bâti de 1000 m2  disposant  de 3 hectares  de terre agricole ,  juste à côté de la communauté d’Emmaüs à Tarnos. J’ai  tout de suite souhaité réaliser le projet dans ce lieu. Emmaüs France qui avait la volonté de marquer de nouvelles formes de solidarité,  a adhéré au projet et s’est porté garant sur le prêt de 800 000 euros. »

Un temps de maraîchage, un temps pour soi
Depuis le printemps  dernier, autour d’un projet agricole de maraîchage en bio, des travailleuses, placées sous le régime judiciaire de l’aménagement de peine (= en  placement extérieur)  travaillent tous les matins aux côtés du maraîcher de la ferme,  à raison de 26 heures  par semaine comme le stipule le contrat d’ouvrière maraichère qu’elles  ont signé pour une rémunération  au SMIC -horaire. L’après-midi est consacré aux démarches administratives, aux soins de santé, aux loisirs ou autres. Des travailleurs sociaux prennent alors le relais pour les accompagner afin de préparer au mieux leur libération. La ferme est  le  lieu de résidence des ouvrières maraîchères  où l’on ne peut en sortir que si on y est autorisé. Enfreindre cette règle reviendrait à une évasion.

« Toutes les personnes  accueillies ont été rencontrées au préalable. »
Les femmes qui arrivent à la ferme ont déjà effectué la moitié de leur peine en prison et resteront ici un minimum de 6 mois et de deux ans au maximum.  « Toutes les personnes  accueillies ont été rencontrées au préalable. On fait connaissance de leur parcours, de leur état d’esprit. Avant de signer un contrat, il  y a un essai, dernièrement nous avons reçu deux femmes des  Baumettes pendant 5 jours. Vous savez la terre est basse, il faut donc au départ être conquis par le projet. Notre capacité d’accueil est de 12 personnes à terme mais  à ce jour,  nous avons 7 travailleuses sur la ferme  qui nécessitent  une équipe de 5 salariés pour l’accompagnement. »

« …déconstruire tout ce qui a été mis en place pour se défendre en prison »
L’objectif à travers  la ferme agrobiologique n’est pas d’amener les résidentes  vers des métiers agricoles. Le travail de la terre représente un outil pour reprendre des bons réflexes, un rythme, une vie en collectivité. «  Le temps à la ferme consiste à remettre en selle les personnes, il faut réapprendre bien souvent les codes de la société, pas pour les faire rentrer dans des cases, nous avons une vision de la société trop critique pour cela. Notre rôle est  de déconstruire tout ce qui a été mis en place pour se défendre en prison. Le mensonge, le rapport de force… n’ont pas leur place à la ferme.  On les amène à mobiliser les bons ressorts de notre humanité, ceux  que   chacun a en soi pour retrouver son équilibre.  Notre société a besoin de tout le monde comme le disait l’abbé Pierre. On vit ensemble, on s’appelle tous par nos prénoms, on se tutoie,  on mange ensemble, on travaille ensemble. »

Un éco lieu qui se donne la liberté de créer
Lieu de vie alternatif, la ferme Emmaüs Baudonne est ouverte au public le jeudi après midi pour la vente des légumes  assurée par les travailleuses (en plus de la vente sur le marché  de Bayonne le samedi). Elle bénéficie du soutien de  bénévoles qui peuvent participer aussi bien à des travaux de bricolage qu’à l’organisation de sorties éducatives.  
Et depuis septembre 2020, la ferme Baudonne  accueille dans ses murs l’association OSE, une école primaire éco-citoyenne proposant une  éducation émancipatrice et tournée vers la nature. « C’est une aventure  qui s’est présentée comme  une évidence pour moi,  car elle me ramenait à ce qu’écrivait  Victor Hugo : ouvrir une école, c’est fermer une prison.  Tout comme je souhaite, et nous l’avons déjà proposé,  recevoir  des artistes en résidence. La culture est indispensable pour chacun de nous. »


* ou toute personne exprimant son identité de genre comme tel.


Les Trois coups ! Selon Gabi Mouesca  






> Coup de chapeau :  «Aux bénévoles qui sont plus  particulièrement  des femmes  et qui sont présentes dans de nombreux domaines sur la ferme et en dehors permettant de proposer des activités également à l’extérieur.»






> Coup de main : «Nous recherchons un mobil-home pour que les travailleuses-résidentes puissent recevoir leur famille.»


> Coup de projecteur : «A l’école primaire  qui est dans nos murs et qui promeut une pédagogie alternative. Cette année,  elle compte une équipe de 6 personnes pour 43 élèves de 3 ans à 11 ans. 130 élèves étaient en attente…»

 

Pour les plus curieux : La ferme Emmaüs Baudonne  :  https://www.fermeemmausbaudonne.fr/

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REDACTION

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