Bordeaux | 33

Remettant en cause la manière de «faire ensemble», une coopérative abandonne le système hiérarchique pyramidal pour la gouvernance partagée, plus en adéquation avec les valeurs portées par l’ESS. Ce nouveau mode de gouvernance va donner vie à la gestion par le consentement, le partage des responsabilités, la transparence, la co-construction de la politique salariale… dans la coopérative et l’ensemble du réseau. 

Créée en 2005 la coopérative Enercoop (SCIC), fournisseur d’électricité garantie à 100 % renouvelable et locale, a dû faire face à une croissance rapide et répondre en 2010   à une crise institutionnelle interne  remettant en cause son  fonctionnement hiérarchique. « La  coopérative Enercoop national, à l’origine du réseau,   a   alors opté pour  un  mode de fonctionnement horizontal, en adéquation avec les valeurs de l’ESS. Cela a nécessité une formation des salariés,  dispensée par l’Université du Nous qui proposait des outils et un accompagnement pour sa mise en place.  Au niveau local, à Enercoop Nouvelle-Aquitaine, le choix progressif de ce mode de fonctionnement a été pleinement opérationnel en 2018, quelques années après notre création et quand nous avions dépassé les dix salariés » précise Mathilde Plaineau, responsable de la communication et de la vie coopérative à Enercoop Nouvelle Aquitaine.


Les outils de la  gouvernance partagée
Mis en place voici quelques années, les outils de la  gouvernance partagée appartiennent désormais à la culture des salariés. Concernant l’outil de la décision collective, l’ensemble du réseau Enercoop  ne recherche pas le consensus, mais le consentement : «  On pense à l’intérêt du collectif en répondant aux questions : est-ce que je peux vivre avec cette  décision ? Est-ce que cela met en danger le projet du collectif ? Il faut apprendre à mettre de côté son intérêt personnel, on dirait aussi à mettre de l’eau dans son vin » souligne Mathilde Plaineau.


Le choix d’une élection sans candidat préalable
Parmi  les outils de la gouvernance partagée, on trouve aussi l’élection sans candidature préalable.  «  Le conseil d’administration  après avoir  déterminé ensemble  le profil .du bon candidat, qui mettait en avant  - avoir du temps, une connaissance des projets, une expérience de la gestion, être à l’aise en matière de communication…-  a choisi à voix haute chaque représentant,  en expliquant son choix.  À l’écoute des uns et des autres, on pouvait aussi reporter sa voix vers une autre personne. C’est ainsi que la présidente de la coopérative a été élue. »

La gouvernance partagée ne se réduit pas  à une somme d’outils, elle propose une organisation de la structure opérationnelle avec un mode différent de fonctionnement inspirée de la sociocratie qui est le système du cercle «  Nous fonctionnons par  cercle de responsabilité. Il existe un cercle par métier - énergie, commercial...- tous en auto-gestion. La parole de chacun est équivalente et apporte à l’ensemble. Ces cercles sont animés et accompagnés chez nous par un coordinateur. Les conséquences sont évidentes, on a assisté à un décloisonnement de l’information, à un meilleur partage des tâches et une plus forte coopération entre le Conseil d’Administration et l’équipe salariée.»


Et la reconnaissance du travail  dans tout cela ?
Levier fort de l’engagement au travail, que devient, avec la gouvernance partagée,  la reconnaissance individuelle ? Comment est-elle appréhendée au sein de la coopérative  «  Heureusement qu’elle existe toujours, elle ne se diffuse pas de la même façon, chacun, chacune apporte au groupe. La reconnaissance  n’est pas déterminée par le N+1 qui n’existe pas dans notre structure. Si on perd  sa zone de confort, et donc de déresponsabilisation … on apprend à gagner   en confiance, à défendre ses idées, à exister dans un groupe. On a ainsi co-construit la politique salariale en définissant ensemble la grille des salaires, cela amène  à poser les questions. Qu’est-ce que je veux ? Qu’est ce que j’apporte au groupe ?  Le plaisir dans mon  travail… Des questions que l’on ne pose pas dans l’entreprise au fonctionnement classique » précise la responsable de la communication.


Mieux dans son travail, plus de temps en dehors…
Pas habituel non plus de voir que la réduction du temps de travail occasionne une prime. Si l’ensemble des salariés à Enercoop Nouvelle Aquitaine est en temps partiel, une incitation à le prendre  a été mise en place. Ainsi un temps partiel à 80 % sera rémunéré sur un  84 % du  salaire de base  et un 50 % sur une rémunération de 60 % « L’idée est que l’on puisse vivre de son travail sur un temps choisi et que l’on puisse mener des projets personnels, associatifs ou autres à l’extérieur. Pour ma part, je sais que je n’aurai jamais  pu m’investir dans une association comme je l’ai  fait si je n’avais pas eu ce temps et cette rémunération.»


Une  organisation qui  nécessite aussi que l’on en prenne soin au quotidien
En évolution constante, la gouvernance partagée ne semble toutefois pas un acquis. Il  apparaît nécessaire de lui porter attention presque au quotidien, d’autant que le télétravail, lors de la période de confinement, est passé par là. « À Enercoop Nouvelle Aquitaine,   Marc Mourrieras est le coordinateur général, la personne-ressource  qui a su nous accompagner pendant ce temps où chaque salarié était chez soi, redéfinir les formations… Au retour, on s’est  posé la question sur l’aventure   humaine  que doit représenter  demain la coopérative. Nous avons à nourrir constamment cette gouvernance.» conclut Mathilde Plaineau.

 


Les Trois coups ! Selon Mathilde Plaineau






> Coup de chapeau :  «Au jardin d’animation et de facilitation, un outil créé au sein du réseau Enercoop où ce sont des salariés qui donnent de leur temps pour apporter leur connaissance en animation concernant la gouvernance partagée. Ils mettent en commun leur expérience dans une vraie logique de solidarité qui fait partie de  l’ADN d’Enercoop.»


> Coup de main : «Enercoop Aquitaine serait prête a échanger avec d’autres coopératives sur le sujet de gouvernance pour apporter un retour d’expérience.»


> Coup de projecteur : «Sur le triangle de Karpman, la base des « jeux psychologiques de manipulation de la communication qui met en scène victime-persécuteur et sauveur , des rôles  que nous pouvons tenir  dans nos interactions sociales.  Il reste la  référence de base  de la communication  non violente  mais aussi de la gouvernance partagée… Lors de réunions,  on rappelle souvent ce triangle pour s’interroger sur nos postures dans le groupe … ce que je donne au groupe , ce que j’attends du groupe…»

 


Pour les plus curieux : Enercoop Nouvelle Aquitaine : http://enercoop.fr/nouvelle-aquitaine.fr

 

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REDACTION

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