Sentous-Lahitte-Libaros | 65
En 1998, un agriculteur propose le regroupement de moyens matériels auprès d’agriculteurs de trois communes voisines. La mise en place d’une CUMA, un système coopératif qui a vu le jour en 1945, va entraîner une nouvelle organisation collective, de nouvelles façons de travailler le sol et renforcer les liens entre ses adhérents.
Présent dans toutes les fermes, le tracteur est le principal investissement matériel dans une exploitation. S’il a sa place sous le hangar, il l’a aussi dans l’esprit de ses propriétaires ; alors quand Michel Lagleyze, agriculteur à Sentous propose la création d’une CUMA en 1998 dans le but d’acheter du matériel en commun et de se défaire de son tracteur personnel, l’aventure commence : « Nous avions fait un pas en regroupant nos exploitations de notre propre chef sans concertation imposée, à l’échelle de trois communes, aussi je trouvais que si on avait été capable de se regrouper pour nos terres, pourquoi ne serions-nous pas capables d’acheter du matériel en commun à travers une CUMA ? C’était le moment »
Convaincre par les chiffres…
Si la création de coopératives d’utilisation de matériel agricole - dites CUMA - date des années 45, avec pour objet le partage du matériel agricole acheté en commun par ses adhérents, Michel Lagleyze y rajoutera une façon aussi d’organiser le travail au fil du temps, mais en attendant, il fallait convaincre : « j’ai parlé de chiffres en démontrant que cela coûtait cher à chacun, entre 550 et 850 euros par hectare, alors que l’on pouvait y arriver en divisant par deux nos investissements et qu’en plus cela nous permettait d’avoir un matériel performant. On est donc passé de 42 tracteurs à 4. C ‘est pas mal…».
Les quarante-deux agriculteurs, soit plus de 90 % des agriculteurs sur les 3 communes de Sentous, Lahitte et Libaros cultivant 1800 hectares vont ainsi constituer une CUMA qui va se distinguer d’un schéma classique, car ici c’est tout le matériel agricole qui est mis en commun et non une partie.
Revoir la façon de travailler
Dix ans plus tard, Michel Lagleyze avec d’autres adhérents va proposer une autre façon de travailler : « On a été convaincu que le travail de concertation sur le tracteur devait nous permettre d’aller plus loin, d’opter pour des salariés qui effectueraient le travail du sol et là aussi, il fallait le voir comme un investissement et non comme une charge. Il s’agissait de dégager du temps pour que chacun puisse mieux faire son travail, s’occuper de ses bêtes, ses clôtures, des loisirs aussi… Gagner du temps sur les travaux du sol était une évidence et on y est allé ».
L’entraide, une valeur de la coopérative
Le partage du matériel a aussi développé l’entraide entre les adhérents, ce qui permet aujourd’hui de se remplacer, comme le dit avec le sourire notre interlocuteur : « Ce week-end, je remplace, mais la semaine prochaine quand je vais partir en week-end sur le bassin d’Arcachon, je sais que je peux être tranquille ». En 2010, un nouveau pas est franchi. Pour Michel Lagleyze, ce qui a été appris à l’école doit faire place à de nouvelles connaissances. Les formations, les spécialistes rencontrés vont faire évoluer ses pratiques agricoles : « Il faut se remettre à niveau, en se formant, en allant voir ce qui se fait ailleurs et c’est ce que l’on a fait et qui nous permet aujourd’hui de ne plus labourer nos sols sur 900 hectares, soit plus de la moitié de nos superficies. On voit les effets immédiats, les vers de terre font le travail à notre place. Le tracteur n’effectue plus de labour mais un griffage du sol ».
L’observation et la juste dose dans les champs
Pour notre agriculteur, le temps de l’observation est primordial ainsi que de tenir compte des méthodes des anciens avant la mécanisation : « Nous ne sommes pas en bio, nous sommes pour une agriculture responsable. Nous intervenons sur nos parcelles quand c’est nécessaire. S’il y a des maladies, le traitement se fera à moitié de la dose prescrite sur l’emballage et nos tracteurs étant performants, nous traitons uniquement là ou il faut. Nous faisons des tours de plaine à 7 ou 8 agriculteurs avec le technicien et on décide ensemble. »
Cultiver le lien au quotidien
La CUMA a aussi redonné vie à l’esprit de groupe et recréer des liens. Si le hangar abrite le matériel, les bureaux, les salles de réunion ont fait place dans le lieu : « Tous les matins, on se retrouve autour de la machine à café, c’est un peu l’esprit du café de village qui a repris vie et tous les premiers mardis du mois, on se retrouve pour parler techniques, projets… et la salle est pleine, je peux vous l’assurer » précise celui qui est aussi le président de la CUMA.
Et prêts à accueillir des jeunes…
À quelques années de la retraite comme beaucoup d’adhérents de la CUMA, le sujet sur l’avenir est au cœur des conversations : « Des jeunes viennent parfois voir ce que l’on a construit. Nous serions prêts à mettre à disposition les terres des futurs retraités pour les jeunes et être ainsi –leurs tontons- dès lors qu’ils partagent le même esprit d’entraide qui fait la force de ce groupe »
Les trois coups ! Selon Michel Lagleyze
> Coup de chapeau : «Je le donnerai au groupe que nous constituons. Je suis l’animateur, le fédérateur mais s’il n’a pas d’oreille et de volonté autour de lui… cela ne sert à rien.»
> Coup de main : « On peut le donner à des étudiants … et on peut aussi aider d’autres villages autour de nous, s’ils viennent nous rejoindre, on les aidera. Nous sommes ouverts pour nous agrandir et faire bénéficier les nouveaux de notre expérience ».
> Coup de projecteur : « Sur les agriculteurs du Nord, s’ils savent recevoir, ils savent aussi se regrouper, l’esprit est fédérateur. C’est ce que l’on retrouve dans notre CUMA et je l’explique par le fait que cette progression à plusieurs, sous cette forme, a été facilitée car la plupart d’entre nous se connaissent depuis l’école… »
Pour plus d’information :
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