Lescar | 64

À travers une réflexion menée par une association de parents d’enfant handicapé mental, les « agitateurs d’idées » comme ils aiment aussi se nommer, élaborent un projet d’habitat inclusif et partagé dont la « première pierre » vient d’être posée. Le chemin parcouru mérite plus qu’un simple détour. Expliquer, échanger, embarquer avec soi les plus motivés a été le quotidien de l’association pendant plus de dix ans. 

Depuis sa création en 1993, les adhérents de l’association “Grandir Ensemble“ ont en commun la volonté de participer activement à l’éducation de leurs enfants, et  pour principal objectif   de favoriser, quand cela est possible, l'intégration scolaire en milieu ordinaire de ses enfants. Née à Lescar, la petite association va en 2012 se donner un nouvel élan avec le souhait de partager et d’échanger avec un plus grand nombre et  ainsi créer une UPP (Université Populaire de Parents) dans le champ du handicap, une première en France. « En cinq ans, on  va mener 150 réunions de réflexion, réaliser des enquêtes, les analyser… et tout cela comme font les UPP, sous la houlette d’un chercheur. Intéressé par le  projet de l’association sur “la part du choix de vie chez la personne déficiente mentale“ Charles Gardou, anthropologue et professeur à l’Université Lumière Lyon 2, dont nous connaissions les ouvrages a  accompagné le travail de réflexion et proposé la méthode pendant toutes ces années » raconte  Pascal Rupert, président de l’association depuis 2013 et parent d’une fille de 29 ans, handicapée mentale. 

Support essentiel, l’enquête 

Le travail de réflexion amène le groupe de parents à réaliser un questionnaire auprès des personnes handicapées, peu sollicitées ainsi habituellement. Celui-ci  va mettre en évidence  leur difficulté à se projeter, montrer que  seules les expériences passées sont, pour elles, matière à pouvoir faire un choix. "Si on voulait favoriser leur choix de vie, il fallait qu’ils expérimentent le plus possible… À cela, s’ajoutait le problème du logement, de plus en plus prégnant avec le vieillissement des parents, les solutions d’avenir manquaient… On a réfléchi à un lieu qui répondait à ces deux problématiques. »

Vers un habitat inclusif intergénérationnel mais pas seulement

En 2017, l’UPP  prend fin sur des préconisations pratiques. Et c’est ainsi que le projet d’un habitat inclusif intergénérationnel, conçu comme lieu d’expériences pour ses jeunes habitants, apparaît comme une solution. Il accueillera  des personnes déficientes intellectuelles et  des seniors autonomes, avec pour objectif de favoriser la pratique de nombreuses activités, ouvertes aussi à l’extérieur. Le projet répond ainsi au développement de l'autonomie pour les premiers, le maintien de celle-ci pour les seconds, l’échange se veut gagnant-gagnant. Dans cette finalité,  un accompagnement professionnel  incluant le participatif et  la sécurisation est prévu.

« … On sent que beaucoup de monde est avec nous »

Pascal Rupert et  Pascal Leblond, un autre parent, qui avait rejoint l’UPP, vont élaborer à deux mains,  le projet plus en détail  sur un week-end. Ils  choisissent de le présenter tout d’abord à deux familles,  quatre … « On va  très vite voir le  maire de Lescar de l’époque, qui dit être favorable. On se rapproche d’une maison de retraite pour avis, on sollicite aussi les interlocuteurs du handicap dans le département… Le projet plaît,  par sa mixité, son objectif d’en faire un lieu de vie aux multiples activités, ouvert vers l’extérieur… Les voyants sont au vert. On sent que beaucoup de monde est avec nous.»

Quand la loi dénoue le problème du montage du projet

Le conseil départemental s’avérant par ses compétences un partenaire essentiel dans le  dispositif ; contacté, il porte au projet un grand intérêt. « Il est  fortement intéressé, son équipe se mobilise ,mais  le problème est de savoir dans quelle case s’insère ce projet car il ne s’agit pas de créer un établissement médico-social, ni un Ehpad, ni un foyer de vie, ni une résidence autonomie.  Le casse-tête commence, même si on trouve autour de nos  interlocuteurs, de la compréhension et  l’envie de faire le pas de côté permettant de trouver une solution. Au final, c’est la loi ELAN qui  en 2019 va dénouer le problème pour nous. Sans cela le projet  n’aurait pas vu le jour. »

En octobre dernier, soit quatre ans plus tard, la première pierre « en bois » de cet éco quartier situé rue Lacaussade  qui comprendra 37 logements (du studio au T2) est posée sur un  terrain de 5800 m2 de la commune de Lescar. Auparavant l’association - on s’en doute - a été très active :   il a fallu trouver des architectes,  travailler à leurs propositions dont celle qui  a été retenue comprenant plusieurs bâtiments  respectant  la façon de vivre de chacun tout en côtoyant  le bâtiment des activités du quotidien - laverie, cuisines…- et celui accueillant  l’ensemble des propositions de loisirs avec l’idée de rester ouvert  à l’extérieur. Conçu en ossature bois, avec une isolation favorisant le biosourcé,  la future construction se veut également sobre en énergie (chauffage bois). « Une fois cela validé,  chiffré ( investissement estimé à 5 millions d’euros) Il a fallu  ensuite trouver un bailleur social qui porte le projet de ces logements agréés  « logement-foyer ».  On est allé aussi à la recherche de financement pour les salariés qui seront demain les animateurs, agent technicien… du lieu. Les démarches sont multiples, mais la cohérence du projet nous  aide pour les faire aboutir auprès de nos interlocuteurs.»

Et ouvre  le chemin d’un nouveau modèle de résidence

Auparavant, l’association avait créée la structure L’Ostalada (issu de l’Occitan et qui signifie la maisonnée) dont Pascal Rupert et Pascal Leblond  assurent la co-présidence. Celle-ci permettra d’assurer la gestion du nouveau projet et nomme  désormais la résidence inclusive et partagée en construction à Lescar.  « Nous sommes dans la  réalisation de ce que nous avions présenté au départ avec un petit bémol, mais aussi avec un nouveau souhait,  ouvrir le lieu à des étudiants issus du secteur du médico-social afin que les ponts soient plus faciles à se mettre en place. Notre projet décrit un nouvel habitat qui répond aux attentes aujourd’hui des parents de personnes handicapées, des seniors à qui nous commençons à présenter le projet. Tout le monde a envie d’un autre modèle de résidence. L’Ostalada y répond.»

Rendez-vous  est donné en 2025 pour l’inauguration du lieu. En attendant, on peut suivre le  projet sur le site de l’association. Les futurs jeunes  résidents, quant à eux,  apprennent à se familiariser avec l’Ostalada grâce à une  maquette reproduisant l’ensemble de l’éco-quartier. Présentéelors des réunions, elle rend ainsi le projet en cours encore plus réel.

 

Les trois coups ! Selon  Pascal Rupert


Coup de chapeau : « Au  rapport qui a  amené la loi Elan. Cette loi  nous a permis de créer ce lieu, qui est une résidence de droit commun, qui s’inscrit dans le cadre de l’habitat inclusif et partagé. Elle a tout déclenché, avant il n’ y avait pas la bonne case pour inscrire notre projet.»

Coup de main : « Avec ce projet, nous avons développé des compétences sur l’habitat inclusif, on peut aider  d’autres porteurs de projet. Nous avons été aidés par l’Association paloise “Vivre en ville“, l’expérience de ce qui avait été fait avant  a été importante. On fera de même …»

Coup de projecteur : « C’est même un coup de cœur pour la compagnie de théâtre,  très généreuse,  « Art muse et vous » de Serres-Castet. Elle a joué pour notre association en avant-première “ Si se taire“  qui relate le  quotidien d’une famille recomposée autour de la maladie, la place de chacun, et le bien vivre ensemble… Cela nous a permis de faire venir du monde, de gagner un peu d’argent et de passer un très bon moment.»

 

L'Ostalada :    https://www.lostalada.fr 

Partager cet article de ICI, tout va bien
Pin It

REDACTION

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies. En savoir plus