Assat | 64
Dans ce jardin aujourd’hui labellisé « remarquable » où se côtoient un potager et un verger constitués d’anciennes variétés locales, une douzaine de personnes sont venues dernièrement apprendre à réaliser une mare. La mission du lieu : transmettre le lien entre humain et monde végétal et la richesse que celui-ci lui apporte. Les visites proposées sont aussi une invitation à respecter notre environnement en comprenant les fortes interactions qui se jouent dans ce quotidien. Observations, connaissances, traditions et croyances locales y sont mises en avant.
Situé sur la commune d’Assat, au sud de Pau, sur une plaine maraîchère, le Conservatoire des Légumes Anciens du Béarn a connu en 2013 une première vie, en tant que lieu dédié à la formation maraîchère. Les difficultés à faire exister ce lieu, ont amené très vite les bénévoles qui intervenaient, à lui donner une nouvelle chance en voulant l’ouvrir au grand public avec l’objectif de promouvoir la préservation de la biodiversité végétale. « Ce terrain de 7000 m2, dénommé aujourd’hui jardin verger conservatoire appartenait à un maraîcher, le grand-père du propriétaire actuel, habitant de la commune et membre du conseil d’administration de l’association. Ce terrain utilisé aujourd’hui pour préserver la biodiversité et les écosystèmes est pour lui une belle continuité » raconte Florence Bacou, directrice de l’association depuis 2019.
« Mettre en exergue le lien entre l’homme et la nature …»
Si le jardin s’est vu attribuer dernièrement le label de “jardin remarquable“ pour une durée de 5 ans, qui va certainement lui donner une visibilité locale et aussi touristique, la particularité de ce lieu est de disposer d’un pôle ethnobotanique : « Mettre en exergue le lien entre l’homme et la nature, c’est une de nos missions. Convaincus que retisser le lien avec les végétaux qui sont les amis de l’homme, c’est apprendre à les respecter et quand on respecte, on ne peut pas détruire. Il n’y a ainsi pas de classification de bonnes et mauvaises herbes. On s’est éloigné de ce lien avec le végétal et notre volonté est d’évoquer cette relation à travers des récits, des traditions orales, des évènements festifs, des pratiques sociales, des croyances qui souvent interpellent le souvenir d’enfance des visiteurs et là on reconstruit la relation…» précise Florence Bacou.
À travers un potager et un verger aux variétés anciennes
Les formations auprès des écoles, des adultes, parfois des professionnels, ainsi que les visites guidées ou libres, grâce aux bornes sonores, sont proposées durant les sept mois d’ouverture du lieu composé d’un jardin potager avec fleurs, plantes tinctoriales et aromates et d’un verger avec une centaine de fruitiers, dont les deux tiers sont des variétés anciennes locales. « Dès que l’on rentre, on est accueilli par des grands cèdres et ses voisins, les jeunes citronniers. À côté, on trouve la pépinière horticole et aussi la salle pour les formations, bien équipée, qui peut accueillir une quarantaine de personnes.»
« Dans les formations on ne parle que de ce que l’on connaît »
Dernièrement une journée de formation était consacrée à la réalisation d’une mare. Le projet personnel était dans toutes les têtes des participants qui, chacun leur tour, exposaient ce qu’ils attendaient de cette journée : « Si l’on propose une formation, c’est parce que nous bénéficions d’une expérience dans le domaine. On ne parle que de ce que l’on connaît. Nous disposons d’une mare depuis plus d’une dizaine d’années, ce qui permet d’avoir un retour, de voir aussi ce qui serait à améliorer, à repenser… Et de mettre les participants en quelque sorte en situation…»
Mieux comprendre le rôle des mares hier et aujourd’hui…
L’an dernier, ils étaient trois intéressés par le thème, cette année ils sont plus d’une douzaine. La mare reviendrait-elle « à la mode » ? Dans ce lieu, on est tenté de poser à notre interlocutrice la question : à quoi servaient les mares autrefois et quel est leur intérêt aujourd’hui ? « Les mares sont liées à l’histoire de l’homme. Au début du XXe siècle, elles étaient encore très présentes en France dans les fermes, autour des maisons. Elles étaient réalisées pour des usages domestiques - la cuisine, le linge, l’hygiène - Elles pouvaient contenir des poissons et donc être une ressource alimentaire. Elles avaient une fonction pour abreuver le bétail. Le maréchal-ferrant y plongeait les fers pour les refroidir…C’était aussi un point d’eau en cas d’incendie. L’arrivée de l’eau au robinet a mis un terme à tout cela. Elles ont été alors abandonnées. Aujourd’hui, une mare est un vrai réservoir de vie et de biodiversité. Elle apporte quelque chose de différent à chacun d’entre nous. Il y a ceux qui aiment entendre chanter les grenouilles, voir les végétaux -la prêle, le jonc, le nénuphar, le lys ou l’anémone japonaise en fleur, c’est merveilleux - il y a ceux qui sont sensibles au reflet de l’eau. Et puis, c’est un endroit où l’on observe, l’oiseau qui va boire… C’est aussi une aire de jeux qui a ses dangers. On voit ses changements au cours des saisons, mais pour cela, il faut lui laisser le temps de prendre ses formes, ses couleurs et d’être colonisés. La mare reste un monde mystérieux, fantastique, elle a ses secrets qui viennent nourrir nos imaginaires.»
Entre 2000 et 3000 visiteurs selon les années
Chaque année, le jardin verger du conservatoire reçoit entre 2000 et 3000 visiteurs. Les événements programmés y sont nombreux, le prochain étant le marché aux plants le 4 mai, puis viendront les rendez-vous jardin le 8 juin, plus tard les journées du patrimoine… Une activité soutenue par une trentaine de bénévoles présents le jour des animations, mais aussi pour la collecte des légumes, des fruits et leur transformation. Mille litres de jus de pommes sont ainsi réalisés par an et mise en vente à la boutique.
Les trois coups ! Selon Florence Bacou
> Coup de chapeau : « À Hubert Lassus-Pigat, un pionnier de ce lieu, président jusqu'à ces derniers mois et qui a le gout de la transmission, des moments de partages que l’on retrouve dans les visites, stages ou formations, sur le lieu, qu’il dispense. Il est, par son approche ethnobotanique, un avant-gardiste. Il nous raconte à travers son observation, la tradition orale, la langue, au territoire qui nous entoure… notre rapport au monde végétal.»
> Coup de main : « On accueille volontiers toute personne qui a envie d’être bénévole, de s’investir pour une cause noble, la préservation de la biodiversité dans un cadre remarquable - pour planter, cueillir… - mais aussi transformer la récolte en jus ou en confiture dans notre laboratoire… C’est du donnant donnant, on fait du jardin quelques heures par semaine en apprenant, on s’enrichit de connaissances. Il y a un beau partage entre bénévoles, l’ambiance y est très agréable.»
> Coup de projecteur : « Je pense spontanément au spectacle que j’ai vu dernièrement à Serres-Castet Les chanteurs d’oiseaux. Jean Boucault et Johnny Rasse sont deux amoureux de la nature, passionnés par les oiseaux, ils nous racontent une belle histoire pleine de poésie. Les oiseaux prennent vie sur scène par le chant et la gestuelle. Quand on pense qu’ils en sont arrivés à cette passion parce qu’enfants, ils s’ennuyaient et, pour s’occuper, ils regardaient les oiseaux, les écoutaient et ont cherché à les imiter. »
Le jardin potager conservatoire : https://clab64.fr