Marcillac-Vallon | 12
Distribué aujourd’hui sur le quart Sud-Ouest de la France, le journal papier de 40 pages tire son nom d’un terme occitan « s’empailler » signifiant débattre vivement, sans concession, avec une grande spécificité, celle d’être un media participatif… Alors que le n°19 vient de paraître en octobre, Yann Buller, journaliste salarié depuis cette année après avoir été bénévole, présente le trimestriel « occitan, rebelle et stylé ».
Créé en 2016, le journal l’Empaillé est né sur le département de l’Aveyron, il va au fil des ans agrandir son territoire, avec toujours la même volonté de créer un espace de discussion où peuvent se tenir des débats…
>Yann Buller : le journal a démarré grâce à la volonté de quelques Aveyronnais et Aveyronnaises avec ou sans expérience dans la presse. Ils vont décider de lancer un journal papier sans pub, sans actionnaire. L’idée est de faire entendre des voix différentes sur des sujets de société qui n’étaient pas relayés dans la presse de notre région. En Occitanie comme souvent aussi ailleurs, les groupes de presse locaux ou de la presse quotidienne régionale sont détenus par des monopoles familiaux. Ici, c’est la Dépêche, faut-il la présenter ? Elle fait la place à une information standard, officielle, peu critique… Si à son démarrage la parution du journal est assurée sans périodicité, elle devient très vite trimestrielle et à partir de 2019 la version départementale passe à une version régionale, sur la région Occitanie. Depuis le numéro 12, treize nouveaux départements se sont ainsi rajoutés à l’ancienne région de l’Aquitaine, le Limousin, l’Ardèche et la Drôme. L’Empaillé couvre aujourd’hui le quart Sud-Ouest de la France.
Comment le journal arrive-t-il à couvrir l’ensemble de ce territoire ?
> Si certains , au journal ont une carte de presse, l’Empaillé est un journal participatif, on est souvent contacté par des personnes ou des collectifs sur des problématiques qui les touchent, des aberrations écologiques bien souvent, relatives au nucléaire, aux grands travaux… Avec l’équipe du comité de rédaction, on va choisir les sujets et les accompagner à partir de discussions, d’aller-retour de papiers, en veillant à la vérification des sources, la pertinence du raisonnement. Dans un conflit local, on prend en compte tous les protagonistes, on va chercher les arguments. Ce sont les témoignages de gens de la région qui constituent l’essentiel du journal. De notre côté, on écrit aussi, et on peut aller sur le terrain, faire de l’investigation. On a à cœur de relayer les luttes féminines, les luttes de travailleurs, les mobilisations salariales… On veille à un équilibre régional sur les 25 départements, ayant une dose égale de sujets urbains et ruraux, de récits et d’enquêtes.
Vous avez évoqué ou vous évoquerez les élections municipales ?
> On en a parlé dans le dernier d’octobre avec notamment un article qui pose la question : Faut-il mettre de l’énergie militante à l’échelon municipal ? J’en parle aussi dans un article, en évoquant les listes participatives et l’accompagnement de la coopérative « Fréquence commune » qui s’est spécialisée dans le conseil de ces élu·es et ces listes. Elle propose une méthodologie, des guides, des podcasts… Dans le prochain numéro de janvier, on reparlera des élections municipales.
L’Empaillé est-il un journal militant, d’investigation… ?
>Non. Nous, on est un journal engagé sur des sujets de luttes sociales, écologistes, féministes, décoloniales. Pour moi, la Dépêche, Sud Ouest, Le Point… sont des médias militants. On dit que l’Empaillé est un journal Occitan, rebelle et stylé.
En effet, c'est aujourd’hui le sous-titre que vous avez choisi, qu’est-ce que cela veut dire être un journal Occitan, « rebelle et stylé » ?
> Il y a toujours la revendication de la presse libre qui était le sous-titre précédent, mais l’envie était de montrer l’esprit décalé et de mettre en avant la qualité artistique du journal, stylé… Et cela grâce à l’écriture, mais aussi la place tenue par la photo, la création graphique, la poésie… On fait la part belle à l’image et à l’illustration artistique, créative, abstraite.
Comment est vendu le journal qui est imprimé à près de 20 000 exemplaires ?
> De différentes manières, par le réseau des kiosques en s’appuyant sur une société de messagerie, à partir des abonnements et on a développé depuis trois ans le réseau que l’on appelle d’auto-diffusion, constitué de près de 500 lieux – librairies, cafés associatifs, fermes, marchés, magasins de producteurs, de multiples lieux de dépôts … - des lieux fréquentés par des personnes qui ont notre sensibilité, d’où notre volonté de poursuivre avec ces points de vente. On est preneur de toute suggestion.
Comment fonctionnez-vous, y a t-il des salariés ?
> Au début le journal fonctionnait grâce à une multitude de coups de main. Les bénévoles sont toujours présents et on en recherche toujours ; à côté, on est cinq salariés à temps partiel, à des endroits différents. Actuellement, il y a une campagne de dons en cours, nécessaire pour assurer notre avenir. Côté recettes régulières, comme pour d’autres journaux alternatifs, nous avons une aide au pluralisme de 15000 € émanant du Ministère de la Culture et il y a les abonnements qui sont le socle financier permettant de pouvoir se projeter plus facilement pour un journal.
Journal d’information critique, L’Empaillé connaît actuellement une procédure juridique émanant de la Mairie de Perpignan qui reproche certains propos relatifs à sa police municipale…?
> Oui… On a un mot ou une phrase qui déplaît… Ce n’est d’ailleurs pas très précis de la part de ceux qui nous attaquent. En octobre, l’audience a été reportée par l’avocat de la Mairie, on ne sait pas à quand. Cela prend du temps et de l’énergie, mais heureusement nous recevons des soutiens et tout récemment un soutien financier de la part du fond de la Presse libre qui va permettre de payer un avocat, et donc de nous défendre dans cette procédure bâillon.
> Les trois coups ! Selon Yann Bureller
> Coup de chapeau : « Aux fondateurs qui ont eu le courage de lancer un journal alternatif, qui a de la gueule, et ont eu aussi cet élan d’en changer l’échelle – de passer du département de l’Aveyron à l’Occitanie… de faire le choix du kiosque… »
> Coup de main : « En allant sur le site… pour s’abonner ou faire un don à l’Empaillé qui en a besoin en ce moment … »
> Coup de projecteur : « Sur un livre dont j’ai parlé dans le dernier numéro Métaphysique limousine de Pierre Magne. Ce petit livre, court, philosophique est une réponse à cette phrase, souvent entendue « Ici, c’est chez nous… Toi, tu n’es pas d’ici… Tu ne peux pas comprendre ». Il nous donne des armes pour faire face à cette position encore et souvent entendue, il la décortique, et en revisite le sens.
L’Empaillé : https://lempaille.fr






