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Angers | 49

Ce périodique trimestriel propose une information locale et critique s’appuyant sur le journalisme d'investigation et l’implication aussi de ses lecteurs, des relais d’information sur le terrain. Le journal se veut un outil de débat, de réflexion et de lien social au service des habitants du Maine-et-Loire qu’ils soient citadins ou ruraux. Rencontre avec un des co-fondateurs, Julien Collinet…

En 2020 vous décidez Marie Hamoneau  et vous,  tous deux journalistes,  de créer un journal d’information local critique basé à Angers avec une focale départementale … Comment ce projet  se met-il  en place ?
> Julien Collinet : Il y avait une volonté de quitter  la presse comme elle fonctionnait,  entre les articles caviardés, des contenus revus ou autocensurés et qui n’ont pas le temps de se poser les bonnes questions,  tout le  contraire de ce qui est nécessaire pour faire du bon journalisme, d’où notre idée de faire un journal différent, de repenser ce que doit être un média,  porté par des journalistes, évidemment. Le choix du local, d’une ville moyenne quant à lui était évident et il s’appuyait sur le constat  que les journaux d’investigation sont centrés sur Paris, et  que la Presse quotidienne régionale n’a pas le temps nécessaire, alors que c’est un vrai sujet démocratique, de proposer de l’investigation au niveau local. Et puis,  en 2020, au moment des gilets jaunes, on se rend compte du décalage dans les medias traditionnels entre ce que pouvaient vivre  les gens à la campagne  et ce qui était relaté. Le terme populaire que l’on revendique vient de notre volonté à raconter la vie des gens sur notre territoire, le Maine-et-Loire, un lieu très riche en diversité.

Vous choisissez comme nom de  journal  « La Topette » qui vient du patois …
> On n’a pas fait une grosse étude marketing,  on voulait un nom populaire, qui ne se prend pas au sérieux,  proche des gens, utilisé par toutes les générations ; Ici, on se dit : Topette  (–à bientôt, salut-) quand on se quitte. C’est sympa.

Dès  le départ vous optez pour  un journal papier de 16 pages…
> Quand on a découvert Le Postillon, que vous avez interviewé, le journal  nous plaisait, avec de belles enquêtes et un contenu original qui tenait sans gros investissements, alors on a voulu faire pareil. On est parti avec 700 € pour payer l’impression de 2000 exemplaires, on a travaillé gratuitement, et au final  on a retiré 2000 exemplaires. C’était un pari,  on pensait que cela n’allait pas nous prendre autant de temps mais entre les enquêtes, la gestion, la diffusion… Et il a fallu  assurer.

Vous revendiquez le terme de journal local critique…
> Avoir un regard critique veut dire analyser, on n’est pas là pour descendre un projet mais apporter de la réflexion et ne pas relayer les éléments de langage des politiques. Faire une critique permet de changer les choses. Quand on démontre ce qui ne va pas, on donne les clés pour s’intéresser à ce qu’il faudrait changer. Le trimestriel, permet de prendre le temps de l’enquête, d’aller sur le terrain, de lire des bouquins, des rapports. On a la volonté de maîtriser un sujet avant d’en parler à nos lecteurs. Cela peut prendre 3 mois à un an de travail. Depuis deux ou trois ans, on s’appuie sur ce que nous suggèrent nos lecteurs par mail ou lettre, c’est aujourd’hui  la moitié de nos sujets.  On est attentif à leurs interrogations variées : pourquoi il y a autant  de méthaniseurs qui poussent, un conflit d’intérêt dans leur  commune,  bien souvent ce sont des sujets sur des questions environnementales ou sociales, deux thèmes forts de notre ligne éditoriale. Nos lecteurs font en quelque sorte une veille citoyenne  sur l’ensemble de notre territoire, n'étant que 2 journalistes salariés à temps plein, il n’est pas possible pour nous de tout suivre.

Dans le dernier numéro vous parlez des élections municipales…  
> On s’est posé la  question par rapport à notre trimestriel et puis, cela a été une demande. La couverture porte sur les municipales mais les sujets abordés sont plus sur la démocratie locale que sur l'élection. La question portant  sur la place du citoyen… d’autant que chez nous  il y a eu un grand regroupement des communes créant des méga communes et éloignant les  citoyens de leur proximité avec leur territoire initial.  

L’illustration est fortement présente dans vos numéros…
> C’était un parti pris mais sans aller vers le dessin de presse, de  style satirique. On laisse carte blanche à nos illustrateurs pour avoir leur regard artistique. Les photos sont là quand c’est nécessaire. Nous avons toujours en quatrième de couverture une photo, représentant un habitant, sans le nommer, sans légende, le dernier était  un ouvrier du bâtiment. C’est à nos lecteurs d’imaginer…

Le journal est diffusé à 6000 exemplaires…  quel est votre  modèle économique ?
> On est deux salariés,  qui font beaucoup d’heures, payés au SMIC, les journalistes pigistes et les illustrateurs sont aussi payés. On a 1200 abonnés, le tarif de base de l’abonnement est de 12 € pour les quatre numéros annuels mais beaucoup de lecteurs donnent plus.  Notre diffusion passe aussi par 200 points de vente,  des kiosques, en majorité des librairies, des épiceries  bio et on essaye d’être dans les petits villages …  des fermes, des AMAP, des boulangeries… Et enfin, on bénéficie d’une subvention  pour la presse locale indépendante de 15 000 € octroyée par le ministère de la culture qui l'a créé en 2016, mais  qui pourrait s’arrêter à tout moment.
 
Qui dit presse locale critique dit souvent  procès … qu’en est-il pour vous ?
> C’est l’épée de Damoclès… Non, on a eu des menaces mais pas de procès. On est hypervigilant pour ne pas être condamnable.  On est aussi dans une région assez apaisée.
Mais il ne faut pas négliger les  moyens  de pression, de déstabilisation,  qui  sont employés en effet sur la presse locale, on l’a vécu chez  des confrères dans le département à côté.

 


> Les trois coups ! Selon Julien Collinet


> Coup de chapeau : «  Les lecteurs ! On connaissait personne quand on est parti  et tout de suite  on a bénéficié de leur encouragement, de leur intérêt, d’une sympathie pour  notre media».


> Coup de main : « Celui qu’on peut donner  quand on fait sortir une information qui était cachée, je pense à ces personnes que l’on appelle des lanceurs d’alerte,  qui sont à l’intérieur d’une entreprise, dans une institution … et qui au  risque de ce que cela peut entrainer en retour, du danger,  ont quand même soif de justice…Le lien entre journalistes et citoyens  est très fort, indissociable pour nous».

> Coup de projecteur : « J’ai un livre à proposer,  important sur le journalisme, d’Alain Acardo  Pour une socioanalyse du journalisme … on y parle des cas d’auto censure, de l’indépendance de la presse… C’est un essai très brillant. En 2017,  quand je le lis, il met  des mots sur ce que je n’arrivais pas à formuler et me donne les clés pour aller vers un autre modèle».




La Topette : https://latopette.fr





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REDACTION

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