Paris, Rennes, Lyon

Quand la marche offre une mesure éducative alternative pour des jeunes souvent nommés « incasables ». L’initiative mise en place par une association voici 20 ans, permet à des filles et des garçons de trouver pas à pas leur autonomie, en s’engageant dans un projet individuel de marche. Et si faire le choix de marcher annonçait déjà une première victoire pour ces jeunes…

L’expérience d’une marche de 1600 km,  l’expérience de la solitude, de l’effort sur un temps long, telle est la proposition de l’association SEUIL à destination des  jeunes  suivis en milieu ouvert par la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) ou l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).  
Alors qu’ils sont en échec scolaire, en rupture familiale ou proche de la délinquance, l’offre semble se rapprocher du défi, mais à  écouter Yvon Rontard, directeur de l’association, on est plus proche d’une opportunité à saisir dans un moment difficile : «  Ces jeunes,  entre 15 et 18 ans, ont souvent épuisé toutes les mesures éducatives possibles, ils sont au bout d’un parcours et  sont alors incapables d’imaginer un avenir, un métier… Nous, on vient leur dire de construire un projet,  en passant par le pas à pas de la marche, afin de créer leur propre chemin et dans ce temps,  on va les accompagner. »
Depuis toujours, le chemin  proposé aux jeunes  est celui qui mène vers  St Jacques de Compostelle car il permet  de démarrer les marches  partout en France, d’assurer les gîtes   et de rencontrer des personnes très différentes.

Connaître les motivations des jeunes
Avant de partir, le jeune doit passer un entretien auprès de l’association afin de  tester sa volonté et  son acceptation aux différentes règles, dont celle de  ne pas avoir de téléphone portable sur tout le temps de la marche. « On recherche la rupture avec l’entourage mais aussi à faciliter sa connexion avec ce qui l’attend durant la marche, la vue, les odeurs, entendre les battements de son cœur pendant l’effort… La lettre de motivation du jeune est aussi  déterminante dans notre choix. On peut dire que  vouloir partir, pour le jeune, est déjà sa première victoire » raconte notre interlocuteur, qui assure également les entretiens avec les jeunes.

Le jeune et l’accompagnant, duo au quotidien
Durant trois mois le chemin parcouru  se fera à deux, le jeune et son accompagnant.  Ce dernier est recruté et rémunéré  par l’association pour la durée de la marche. Il a  entre 25 ans et 65 ans,  n’est  pas éducateur,  n’a pas les codes ni  le langage éducatif. «  L’accompagnant, homme ou femme, va être pour le jeune,  son  bâton de marche. Ils se rencontreront pendant 3 jours  avant le  départ, car ils vont devoir faire équipe. »
 Sa mission est d’être à l’écoute, de lui redonner confiance, de lui apprendre à assurer  le quotidien –hébergement, repas, lessive- à gérer  un budget de 70 € pour deux par jour  et à  veiller à ce qu’il rédige son carnet de route : « Les trois premiers jours sont très durs pour le jeune, d’autant que la condition physique est souvent absente. Chaque jour le jeune à la liberté de poursuivre ou d’arrêter. On ne peut pas marcher à sa place. Au quotidien, des  temps de silence sont imposés, une heure le matin, une heure l’après-midi. C’est très important de se confronter à sa solitude, à ses émotions…»

Le soutien permanent de l’équipe éducative
Chaque duo, reçoit le soutien de l’équipe éducative, joignable à tout moment par téléphone. Le  lien est ainsi permanent avec l’accompagnant qui peut avoir  à résoudre d’éventuelles difficultés.  De même l’équipe assure la  relation avec la famille que le jeune pourra  joindre tous les dix jours environ. « Nous sommes attentifs à préserver la relation familiale, qui bien souvent va évoluer pendant cette marche.  Le jeune prenant de la distance,  retrouve de l’autonomie, s’émancipe en quelque sorte. C’est important à ce moment là dans sa construction.»

Des résultats, des évaluations…
L’objectif dans cette aventure est bien sûr d’ouvrir des possibles,  mais surtout un horizon professionnel à ces jeunes,  une fois  « le contrat rempli », une fois qu’ils auront arrêté de marcher.  
75 % des jeunes vont jusqu’au bout de leur marche et  près de 60% intègrent un parcours de réinsertion après leur marche. Régulièrement l’association effectue des évaluations sur l’impact des marches.

Il y a 20 ans…
Depuis la création de l’association qui fête cette année ses 20 ans, 400 jeunes sont partis. Son fondateur a aujourd’hui 85 ans et son histoire mérite le détour,  notre interlocuteur  la rappelle avec joie : « Bernard Ollivier, journaliste, militant, a 60 ans lorsqu’il devient veuf, il perd alors  goût à la vie, fait une tentative de suicide et heureusement se ratera. Un ami lui propose de faire le chemin de St Jacques de Compostelle. Au cours de cette marche, il va rencontrer des éducateurs belges qui marchent avec des jeunes qui sortent de prison. Dès cet instant,  il veut faire la même chose, retrouve du  sens à sa vie. C’est ainsi que va naître Seuil, dont le nom est un clin d’œil à cette période où l’on se prépare à l’âge adulte. Je trouve l’ histoire très belle… »

Vers le développement des actions
Désormais  une trentaine de marches  sont effectuées chaque année et actuellement douze marches sont en route vers l’Espagne. L’association  souhaite aujourd’hui développer sa proposition et s’adresser demain  à  plus de jeunes.  Pour cela Seuil recherche des partenaires et fait aussi  le choix de  s’implanter de plus en plus en région.  

 


Les trois coups ! Selon Yvon Rontard



Coup de chapeau : « Aux bénévoles  qui sont une quarantaine et  interviennent  dans la gestion administrative,  font connaître l’association à travers les réseaux sociaux, des expositions, des interventions… et qui soutiennent aussi financièrement l’association.»



Coup de main : « Les correspondants de Seuil dans chaque région sont  bénévoles et sont des relais essentiels. On peut les rejoindre si l’on veut agir auprès de l’association, devenir accompagnant, bénévole…  De façon générale, l’association a toujours besoin de coups de main pour l’archivage, dans le domaine de l’informatique.»



Coup de projecteur :  « Je pense à un documentaire sur la prostitution « comme si j’étais morte »  diffusé à la TV qui montre la réalité, le quotidien de jeunes filles témoignant sur  l’esclavage sexuel. Ces vies saccagées  nous amènent à dire,  c’est injuste… Il faut agir, réagir…On voit le travail des éducateurs, mais  je pense aux mères. Oui seules les mères  peuvent faire quelque chose, les pères malheureusement sont souvent absents… »  



Association Seuil : https://www.assoseuil.org

 

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REDACTION

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